Réforme des retraites : une menace pour l’engagement associatif ?

Le monde associatif repose en majeure partie sur l’engagement bénévole des individu.e.s. Un.e Français.e sur 5 pratique le bénévolat et donne de son temps au sein d’une structure associative. Elles/ils sont plus de 1 million dans les Hauts-de-France. Alors que la vie associative constitue le principal espace d’engagement des personnes retraitées, la réforme des retraites risque de fragiliser les associations et leurs bénévoles en repoussant l’âge légal de départ à 64 ans.  

En février 2021, l’URIOPSS Hauts-de-France, la CARSAT Hauts-de-France et l’ORVA Hauts-de-France ont mené une enquête sur l’engagement des personnes retraitées en Hauts-de-France[1]. Sur un panel de 13 068 répondant.es, 65% des retraité.es des Hauts-de-France se disent « engagé.es » et 54% des engagements des séniors s’exercent dans une association. L’étude a mis en évidence trois types de ressorts de l’engagement : s’engager pour les autres (en réalisant une activité porteuse de sens, d’utilité sociale) ; s’engager avec les autres (en rencontrant de nouvelles personnes, en développant sa sociabilité) et s’engager pour soi (se sentir utile, occuper son temps libre).

Aussi, parmi les répondant.es, 35% des retraité.es engagé.es n’étaient pas engagé.es avant leur retraite. C’est une donnée particulièrement intéressante puisqu’elle signifie que les nouveaux et nouvelles retraité.es constituent bien un réservoir de renouvellement pour l’engagement.  Le temps de la retraite est ainsi investi dans des activités difficiles, voire impossible à réaliser auparavant (vie professionnelle, vie familiale…) dans l’objectif de continuer à participer à la vie de la société.  

« 35% des retraité.es engagé.es n’étaient pas engagé.es avant leur retraite » 

Les jeunes retraité.es constituent un groupe dont l’état de santé et le temps disponible privilégient un engagement bénévole plus élevé que le reste de la population. La contribution annuelle moyenne exprimée en heures d’un bénévole senior (55 ans et plus) est de 130 à 141 heures tandis que celle d’un moins de 55 ans est de 81 à 91 heures[2]. En imposant un départ à la retraite plus lointain, les séniors seront obligés de travailler plus longtemps, parfois aux dépens du bénévolat. Plus l’âge de départ à la retraite sera décalé, moins les associations pourront compter sur des bénévoles actifs et en bonne santé.  

« En France, 48% des président.es d’associations sont retraités » 

Il est important de noter qu’en France, 48% des président.es d’associations sont retraité.es. On sait à quel point le renouvellement des gouvernances associatives peut s’avérer délicat par manque de temps ou peur de prendre des responsabilités. Comment les associations pourront perdurer sainement si les gouvernances ne sont plus assurées ? Comment maintenir les périodes de transmissions des savoirs associatifs entre ancien.nes et jeunes bénévoles dans ces conditions ?  

Le bénévolat est, pour toutes ces raisons, un véritable enjeu stratégique pour le secteur associatif, y compris et peut-être même surtout en période de crise. La pandémie a déjà largement impacté le fonctionnement des associations : en effet, 62% des associations ont perdu le contact avec une partie des bénévoles durant la crise[3]. Ce désengagement lié à la crise sanitaire touche majoritairement les séniors.  

« 62% des associations des Hauts-de-France ont perdu le contact avec une partie des bénévoles durant la crise » 

Le recul de l’âge de départ à la retraite viendrait handicaper les associations en les privant d’un vivier actif de bénévoles. Il s’agît d’ailleurs d’une des quatre causes probables d’une baisse de l’engagement déjà observée de 2010 à 2019 par France Bénévolat chez les 50-64 ans et les plus de 64 ans notamment après les précédentes réformes, dites Woerth et Touraine qui ont fait passée l’âge de départ à la retraite de 61,7 à 63,3 ans[4].  

Toutes catégories confondues, le temps reste le principal frein à l’engagement bénévole. Si elle est maintenue, cette réforme ne fera qu’accentuer un frein déjà présent en rallongeant le temps au travail, privant ainsi les individus du temps libre qu’ils pourraient mettre au service d’une cause. 

L’engagement au sein d’activités associatives est générateur de nombreuses externalités positives pour la société. Ce sont plus de 12,5 millions de français.es qui nous le démontrent au quotidien[5]. Vecteur d’implication citoyenne, alternative au chacun pour soi, moteur du lien social, l’engagement bénévole est également créateur de valeur et acteur de l’activité économique française.  On estime que sa valeur monétaire génère 3,3% du produit intérieur brut national. 

[1]Etude sur l’engagement des personnes retraitées des Hauts-de-France, février 2021 – Rapport final – Engagement retraités.pdf

[2]Etude sur l’engagement des personnes retraitées des Hauts-de-France, février 2021 – Rapport final – Engagement retraités.pdf

[3][RÉSULTATS ENQUÊTE] Covid-19 : un an après, où en sont les associations ? – Le Mouvement associatif

[4] Associations : La réforme des retraites va-t-elle ébranler le monde associatif ? | Carenews INFO

[5]Associations en région – Repères et chiffres clefs 2022